Beckett Un jeu d’acteurs formidables ! Performance d’acteurs. René Gouzenne a mis en scène ses élèves dans cinq pièces courtes de Beckett. « Catastrophe » une pièce dure, masquée de rapports dictatoriaux entre les protagonistes, où l’on retrouve bourreau, victime et âmes damnées comme dans Godot. « Pas », « Va et vient », un touchant dialogue entre deux êtres enfermés dans leur corps ou dans leurs obsessions ; « Comédie », un désopilant « Vaudeville » où l’on retrouve l’éternel triangle, mais aussi le goût de l’auteur pour les performances d’acteurs. La pièce est jouée deux fois, la deuxième en accéléré et les mots se tordent, se crèvent dans les bouches désarticulées, réduits à des sons inarticulés… « Berceuse » cultive aussi la répétition volontaire pour faire progresser le récit jusqu’à la chute. C’est un des derniers écrits de Beckett. Les quatre jeunes acteurs sont à la hauteur de l’exercice de style et leurs prestations sont excellentes, voire désopilantes… La mise en scène est dépouillée et ingénieuse. De l’excellent théâtre. Annie Hennequin, La dépêche, Janvier 1994
Beckett : Entre l’enfer et le paradis … A travers cinq textes, les acteurs rendent un bel hommage à Samuel Beckett : « Va et vient », « Catastrophe », « Pas », « Berceuse » et « Comédie ». Ces pièces courtes, moins connues que « En attendant Godot » ou « Oh ! Les beaux jours », méritent tout autant d’être vues. Éclatent tour à tour l’univers beckettien : un sentiment de proximité du comique et du tragique, un humour à plusieurs vitesses, grinçant, mais le public ne s’y trompe pas et rit. On a l’impression qu’autrefois les personnages, aujourd’hui figés de « Berceuse », « Pas » ou « Comédie » ont marché, ont vécu. Leur marche se fait pénible, s’est stoppée, le temps qui s’écoule leur pèse. Alors comme Georges Pérec, « ils se souviennent »… Dans une performance technique indéniable, les trois acteurs de « Comédie » (la maîtresse, le mari, la femme), qui ne sont plus que trois têtes mortuaires dépassant de jarres, mitraillent l’auditoire de syllabes blanches. Ils criblent le silence de leur voix métalliques, comme de vieux disques gondolés. Leur histoire triangulaire est pathétique… peut-être… mais c’est la vie et on en rit franchement. Comme dans les tableaux réalistes de l’américain Edouard Hopper, ces cinq pièces touchent « un monde loyalement désespéré, proche du bonheur ». E.B-B. La dépêche Mars 1994
Signe particulier : le Néant Tronches de clones et tranches de semblables. Tout personnage égaré en terre becketienne sera condamné à errer du pareil au même. A être l’autre tout autant que soi-même. Donc un espace de vide flanqué d’un masque humain, moins qu’humain. Par respect pour la moire du grand Sam, la mise en scène de René Gouzenne sera une entreprise de mise à mort : trépas du geste, éteinte du son, dernier soupir du sens… obsèques en deux dramaticules, pull-over à grosses côtes sera l’uniforme de ces jumeaux éteints, créés pour être interchangeables, qui dessinent des échappées communes à tous. « Va et vient » « Va et vient » est le recto - verso de la notion de « rampe », la volte face entre le morne et le rigolard. Trois personnages qui jouent à « qui s’y collent » dans la folie mimétique la plus totale. Et de dire. Et de rire. Le théâtre de Beckett fonctionne selon la loi du bis répétitas : un coup pour voir, un coup pour rien. Qu’est ce que le jeu sinon le choix totalement arbitraire d’une tonalité ou de son contraire ? Ça nous fait une belle jambe. Nous nous heurtons à un théâtre qui n’en finit plus d’être en voie de disparition. Dire sur scène ! La belle affaire. « Comédie » Revenus à leur trinité de départ (fausse impression de pléthore humaine !), les personnages énoncent à tours de langue, pour le vide et la beauté du geste, des histoires que personne n’écoute, livrées en 3 x 2 = 6 versions. Effacement du geste (ils sont en jarre comme d’autres sont empotés), étranglement du son : tout sert à nous rendre clair et diaphane le fait que le théâtre de Beckett est une absence de théâtre. Même la lumière nous échappe : elle force les jarrés de « Comédie » à cracher leurs derniers mots. Elle est l’ultime parcelle de vie de ce théâtre en décomposition, menacé de dysfonctionnement. Théâtre privé de voyelles, d’espace, de liberté, d’arêtes vives, dévolu au visage comme archétype, à la neutralité, à l’universel, au mortifère… Nous entrons à notre corps défendant dans l’inexorable beckettien comme la Winnie de « Oh ! les beaux jours » dans l’inévitable enlisement. En se faisant plus beckettien que Beckett, en inventant un dépouillement qui sied comme un gant à la tournure de la Cave Poésie, René Gouzenne prouve qu’il voyage en pays d’Absurde comme en terrain conquis. (...) Silence définitif P.S : Noir total Valérie Appert Flash Toulouse
*Abel et Bela L’auteur de « L’Inquisitoire » engagé dans le nouveau roman s’interroge en l’occurrence sur le statut du théâtre « Reste à savoir… ce que c’est que le théâtre ? Une scène, des acteurs, un texte… ce que c’est, ce que ça doit être, sa nécessité, sa transcendance », voilà un gros mot lâché… Robert Pinget n’est pas un dilettante ! Cette petite forme le prouve. Un duo de deux filles au destin parallèle qui se racontent sur le mode du bavardage ; en fait deux personnages hypothétiques incarnés sans l’être vraiment, situés socialement mais de façon incertaine, deux prostituées se livrent sur le mode spontané d’un pseudo - dialogue où tout y passe, les petites misères, les petits bonheurs, les petites victoires, les choses de la vie déballées et confessées sans retenue, sans emphases, dans leur crudité. Le paradoxe tient au fait que ces tranches existentielles ne sont pas réalistes de façon univoque, elles sont chargées d’ambiguïtés et apparaissent plutôt comme des constructions artificielles. Ces personnages réels sont en quelque sorte abstraits comme des créations mentales, purement dramaturgiques et pourtant plausibles, à moitié hypothétiques. Fiction, réalité, rupture de ton, de texte, de plans et ça passe… grâce à l’intelligente mise en scène de Jean-Marc Brisset et aux jeux subtils de Valérie Moyon et de Marie - Eve Santoni ; la première discrète et efficace assez près du texte avec une interprétation quelque peu distancée, la seconde plus sensible aux sollicitations du public, donc plus démonstrative ; « L’essence du théâtre, ce qui fait que ça doit être, que c’est fatal ». Paul Dumas Ricord ; La Croix du Midi ; 17 février 1995
Hortense a dit : « Je m’en fous ! » G.Feydeau « Il vous reste trois jours pour entendre Hortense dire « Je m’en fous » dans le gentil Théâtre de la croix blanche à Albi. A l’occasion de cette pièce, Georges Feydeau, l’auteur bien connu des Vaudevilles fondés sur le comique de situation, a traité la progression de la mésentente d’un couple en toute liberté. Ici, il ne cache plus rien, on est loin de « comédie de salon cotonneuse plaisante et complaisante ». Les personnages sont acides, violents, grotesques, proches de la monstruosité… … Cette dernière création de Feydeau s’intègre dans le cycle de farces conjugales sans recherche psychologique approfondie. Les personnages sont entiers dans leur disproportion. Une interprétation percutante extravagante, hors norme alliée au duo blanc – rouge des costumes tapageurs donnent à cette pièce un comique contemporain dur et excessif, un peu à l’image de notre société. La mini jupe et les regards affriolants d’Hortense affolent ce pauvre dentiste Folbraguet soumis totalement à l’autorité de sa femme Marcelle, bourgeoise bêcheuse et antipathique. Il se défoule sur ses patientes et les cris de douleur déchaînent les rires. L’Hypothèse Théâtre, loin de son parcours habituel, absorbe la comédie avec cette pièce. Valérie Le Naour, Valérie Moyon, et Céline Pique sont drôles et modernes. Elles sont parfaitement à leur aise dans ces situations délirantes qui rendent la scène explosive… L’enchaînement des catastrophes engendre une hilarité sarcastique. Sacré Feydeau ! » Monique Trébosc, Mars 1996 ; La Croix du Midi Tarn
Les Indésirables Les têtes d’affiche de la rentrée TELERAMA N° 2438 – 2 Septembre 1998 Théâtre à Cahors Les Indésirables ou la peur de l’autre Vous avez dit les Indésirables ? Sous ce titre Hypothèse Théâtre, une compagnie toulousaine a réunit quatre textes signés Gildas Bourdet et Jean-Claude Grumberg : Ambiance club, Michu, Les Rouquins, Les Gnoufs. Pour coller bout à bout ces courtes pièces, le metteur en scène a choisit pour fil conducteur un couple. Homme et Femme ordinaires, tous deux confrontés quotidiennement à l’irrespect, à l’intolérance et à la haine. Derrière leur propos la peur viscérale de l’autre s’exprime en contre point. Mais le ton de la comédie domine dans le spectacle monté par le metteur en scène Claude Martinez, directeur de la compagnie Carré Brune basée à Flaugnac dans le Lot. Deux comédiens toulousains, Bernard Le Gall et Valérie Moyon interprètent ce couple aux prises avec des situations délicates et drôles.
Théâtre de la Croix Blanche : Les Indésirables bientôt désirés … Claude Martinez, metteur en scène de cet ensemble de textes a privilégié, selon son habitude, « le jeu des acteurs » qui évoluent simplement autour de faux miroirs pour masquer de fausses apparences. Cette sobriété de mise en scène renforce la puissance des mots. Sans nul doute, cette création fera son chemin. C’est du théâtre comme on l’aime. Un texte profond et plein d’humour. Un produit vrai qui ne se prend pas la tête mais qui fait réfléchir. Du théâtre à la portée de tous, qui ne torture pas le spectateur même s’il éveille sa conscience. Très bien interprété par les comédiens généreux qui adorent leur métier, cette pièce trouvera sa place très vite. Dès que le bouche à oreille aura fonctionné ces « Indésirables » ne vont pas tarder à se faire désirer. Monique Trébosc La Croix du Midi – Tarn – 30 janvier 1998